Ostéoradionécrose

Membre de l’ARSER, j’ai témoigné lors de l’émission « Allo Docteurs » le lundi 23 mai 2016 sur France 5, en tant que patient présentant des séquelles tardives d’une radiothérapie ORL.

Le bureau de notre Association a jugé utile que j’expose, dans un éditorial, mon parcours qui m’a conduit à une guérison et une vie acceptable. Alors âgé de 48 ans, j’ai présenté un cancer ORL en 1994. Des odeurs buccales inhabituelles étaient apparues : j’ai consulté mon stomatologiste habituel lequel, après examen, m’a confirmé que la cause n’était pas dentaire. Une gêne à la déglutition était également présente, mon oto-rhino a constaté une anomalie à la base de langue. Après biopsie, il m’a appris que je présentais une tumeur cancéreuse (carcinome peu différencié infiltrant ulcéré).

J’ai donc été dirigé vers une unité spécialisée ORL à l’Hôpital Bichat (Dr Joël Depondt). A l’issue de cette consultation, une opération chirurgicale de la langue semblait évidente malgré les conséquences inévitables sur le plan esthétique et les difficultés ultérieures pour la parole et l’alimentation. Inutile de vous dire que j’étais SOUS LE CHOC.

Suite à un nouveau rendez-vous avec le Dr Depondt, celui-ci m’informe que lors d’une réunion entre médecins, dont le Dr Sylvie Delanian Oncologue Radiothérapeute, il a été proposé un traitement par RADIOTHERAPIE EXCLUSIVE au Cobalt (à la dose 45Gy) associée à une CHIMIOTHERAPIE (Carboplatine) suivi de CURITHERAPIE à l’Iridium à la dose 30 Gy (Dr Delanian Hôpital St-Louis).

Six semaines après ce traitement conservateur, la tumeur avait complétement disparu.

J’AI TOUJOURS EU LE MORAL, me sachant entre les mains d’une équipe compétente et à l’écoute. Durant mes séances de radiothérapie ou chimiothérapie, je ne me suis JAMAIS ARRÊTÉ DE TRAVAILLER afin de vivre normalement, comme tout le monde. Seul un arrêt de trois semaines m’a été imposé après la Curiethérapie, à cause d’une importante perte de poids et d’une grande fatigue.

J’ai présenté des réactions pendant la radiothérapie : la muqueuse buccale était rouge et sensible. Puis des réactions immédiates (dans les semaines qui ont suivi) transitoires juste après le traitement :
Une sécheresse buccale (hyposlalie) m’imposant de boire souvent
Une perte totale du goût associée à une langue noire (mycose), m’empêchant de faire une différence entre les aliments, suivie d’une perte de poids importante
La peau des joues sèche
Un double menton avec gonflement (« jabot » sous-mentonnier)
Des douleurs de langue liées à une ulcération en zone de curiethérapie Puis ces premières réactions sont rentrées dans l’ordre, tandis que je ne souffrais plus que de douleurs cervicales et aux oreilles, de temps en temps. J’ai tout de même perdu mon emploi… Alors j’ai décidé de créer mon entreprise, la maladie m’avait endurci…

Alors que je me croyais enfin tranquille, 8 ans après, j’ai souffert d’une forte douleur dentaire pour laquelle mon dentiste m’a extrait la dent de sagesse droite. Mais je n’ai pas cicatrisé, des douleurs locales puis dans le nerf dentaire sont apparues, malgré les extractions dentaires avant traitement de Radiothérapie et les gouttières fluorées après.

Une OSTEORADIONECROSE mandibulaire (trou osseux) s’est alors développée avec des douleurs mandibulaires violentes associées à une anesthésie du menton et des fourmillements sur le trajet du nerf dentaire inférieur, je me mordais la langue. Ces douleurs violentes ont été traitées par morphine de longs mois alors que je consultais le Centre antidouleur de l’Hôpital Bichât. Des traitements antibiotiques se sont succédés mais ne permettaient qu’un apaisement partiel et de quelques semaines. Après 6 mois d’évolution, Le Dr Delanian m’a proposé de bénéficier d’un traitement qu’elle avait mis au point pour cela (il n’avait pas encore de nom, mais depuis il s’appelle « PENTOCLO »). J’ai pris ce traitement pendant 3 ans, contrôlé par panoramique dentaire régulier. Petit à petit les douleurs ont diminué, le trou en bouche s’est refermé et les infections se sont faites plus rares… jusqu’à cicatrisation en surface d’abord dans la bouche, (un séquestre osseux ou morceau d’os « pourri » de 1 cm est sorti tout seul juste avant) ; puis en profondeur, permettant la réduction puis l’arrêt des fourmillements du menton en 3 ans. J’avoue avoir repris le tabac dans certains moments difficiles, ce qui n’aidait pas à contrôler la situation… Mais j’ai eu la joie de constater que je pouvais définitivement arrêter la morphine après quelques mois, puis que le niveau de l’os remontait sur les radios et le scanner mandibulaire. On a alors tout arrêté en 2007 ! C’était sans compter sur un nouvel événement… J’ai en effet souffert ensuite de mes artères du cou, la carotide gauche. J’ai présenté brutalement un épisode neurologique bref avec trouble de la vision, vertiges et troubles de la parole par accident vasculaire cérébral Ischémique. Le bilan a montré que j’avais une sténose serrée de l’artère carotide à 90 %, que l’on a pu rattacher aussi à la radiothérapie sans pour autant lui attribuer toute la faute puisque le tabac était passé par là…

La sténose carotide artérielle a été traitée par ENDARTERIECTOMIE et PONTAGE. Lors de cette intervention, le chirurgien a eu beaucoup de difficultés (qu’il a surmontées) en partie dues à la fibrose cervicale de la radiothérapie. J’ai pu à nouveau bénéficier du « PENTOCLO » 6 mois en post-opératoire pour aider à la récupération neurologique et la parole est revenue fluide à 95 %.

Ainsi, mon parcours médical sur 22 ans a été compliqué et douloureux, mais il a abouti à une guérison satisfaisante, non seulement du cancer mais des séquelles associées au traitement du cancer. Je tiens à remercier les médecins qui m’ont traité et soutenu pendant ces longues années, et qui m’accompagnent encore, en particulier le Dr Joël Depondt et le Dr Sylvie Delanian.

Jean-Michel R.

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